Le festival de Cannes
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Éditeur : ROBERT LAFFONT
Date de parution : 10 mai 2007
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DESCRIPTION

Au-delà des paillettes du Festival, qu'en amoureux du cinéma Frédéric Mitterrand dépeint avec son regard à la fois ultrasensible et acéré, on retrouve le ton et le style si singuliers de La Mauvaise Vie.

" Quand on n'a pas grand-chose à y faire, le Festival de Cannes est une drogue dure de la jeunesse, elle donne l'illusion que l'on s'amuse au coeur du monde. C'est difficile de décrocher, ça prend du temps et ça demande des efforts mais je m'étais juré il y a quelques années que je n'y retournerais pas tant que je n'aurais pas un film à présenter ou un projet précis à défendre. Promesse à soi-même non tenue puisque je reviens afin de présider un jury d'enseignants et que je suis encore en train de me demander si ce n'est pas un prétexte pour me libérer de cet engagement secret. Après une longue abstinence que je n'ai pas mise à profit pour devenir le nouveau Spielberg, j'adopte le profit discret du cinéphile de base qui me permettra peut-être de surmonter la nostalgie des ambitions perdues et de faire la paix avec les regrets et les souvenirs. Il y en a tant qui remontent à la surface. "

Quand on n'a pas grand-chose à y faire, le Festival de Cannes est une drogue dure de la jeunesse, elle donne l'illusion que l'on s'amuse au cœur du monde. C'est difficile de décrocher, ça prend du temps et cela demande des efforts, mais finalement je m'étais juré il y a quelques années que je n'y retournerai pas tant que je n'aurai pas un film de moi à présenter ou à la rigueur un projet précis à défendre. Promesse à soi-même non tenue puisque je reviens sous prétexte de présider un jury d'enseignants et que je suis encore en train de me demander si c'est une raison valable. Mais je m'en fiche en me disant que je vais si peu au cinéma désormais, voir cinquante films à la suite offre tout de même une bonne occasion de se remettre à jour, et ne me laissera pas trop le temps de m'interroger sur l'utilité de ma présence ni de ressentir le " blues " du type qui ne fait jamais ce qu'il devrait faire et se gâche avec constance. Après une longue abstinence que je n'ai pas mise à profit pour devenir le nouveau Spielberg, j'adopte le profil discret du cinéphile de base qui me permettra peut-être de surmonter la nostalgie des ambitions perdues et de faire la paix avec les regrets et les souvenirs. Il y en a tant qui remontent à la surface.
Descendre du train en gare de Cannes c'est revoir dans sa tête des images d'actualité que François Chalais montrait et commentait si bien de sa voix métallique au tempo inimitable. Claudia Cardinale, Brigitte Bardot, Silvana Mangano en robes d'été, souriant aux caméras d'un festival en noir et blanc et c'était aussi du cinéma dont les plans improvisés se confondent avec les séquences de certains de mes films préférés qui n'intéressent plus beaucoup les jeunes d'aujourd'hui. François Chalais savait mieux que personne que l'on peut raconter des grandes histoires avec les bouts d'histoire des autres et qu'il y a autant de poésie dans les images des paparazzis voleurs et des reporters en planque sur la Croisette que dans bien des longs métrages aux scénarios trop lâches. Il était particulièrement à son affaire à la une où la fantaisie et le désir rédigeaient le script au jour le jour, enrôlant par surprise une distribution que même Zanuck ne pouvait pas s'offrir. Lili Palmer riant sur l'épaule de David Niven au pique-nique des îles de Lerins, Magali Noël qui danse le mambo la nuit sur la plage éclairée par des phares de voiture, Melina Mercouri chantant " Les enfants du Pirée " sur les marches de l'ancien palais, Alain Delon et Romy Schneider en voiture de sport avec Magda, la mère de Romy, qui les surveille à l'arrière, Jayne Mansfield jouant surprise et confusion après avoir perdu le soutien-gorge de son bikini dans la piscine de la Bégum, Sophia Loren qui court devant le Blue Bar avec sa robe soulevée par le vent, Marcello Mastroianni fatigué qu'on lui demande s'il est content de passer pour le nouveau tombeur de la via Veneto, Martine Carol qui se dit si heureuse d'être de retour alors qu'on lit la panique dans son regard, les starlettes traînant leurs valises dans les petits hôtels de la rue d'Antibes et qui posent sur le sable devant des essaims de jeunes mâles, " Mouille tes lèvres, pointe tes seins et pense aux hommes, un de ces petits cons en blouson de daim finira bien par t'emmener au Palm Beach ". Moi, je suis venu un peu après François Chalais, on était passé à la couleur, la télé était déjà dans la place, il me régalait au bar du Martinez, les serveurs l'appelaient monsieur François et balayant de son regard bleu la cohue au-dehors il avait l'élégance de ne pas me dire que c'était mieux avant ; autre chose, c'était autre chose simplement, et on nous resservait des Americanos. Au fond il n'y a que la gare qui n'a pas changé.
Une jeune fille vient me chercher, il est temps que je fasse connaissance avec mon jury, le Festival commence ce soir. Il y a plusieurs jurys en marge du jury officiel, les critiques, les jeunes, les cathos et même les cheminots. Maintenant que l'on enseigne le cinéma à l'école, le film qui obtiendra notre prix est assuré de passer partout dans les lycées. Beaucoup de monde à la réunion, des profs d'un peu partout, des journalistes de Nice-Matin, mes futurs collègues, Amel qui vient d'arriver de Tunis. L'atmosphère tient de la rentrée des classes et de l'arrivée dans un club de vacances quand on cherche à deviner qui seront les partenaires les plus agréables pour les excursions découvertes. Je me rapproche instinctivement d'une jolie brune, enseignante à Sarlat, qui ressemble à Cher période Sonny and Cher, quelque chose dans le regard me dit qu'on va bien s'entendre. Christine, la chef de toute l'organisation, me considère avec un peu d'appréhension ; c'est elle qui m'a fait venir et elle doit se demander si elle a fait le bon choix lorsqu'elle m'entend dire que je n'hésite pas à sortir quand je m'ennuie à un mauvais film. Déclaration imprudente qui doit confirmer la réputation de dilettante qui me colle à la peau et qui m'a toujours semblé parfaitement injuste. Mais j'ai l'habitude et j'éprouve même un malin plaisir à créer la surprise en démontrant le contraire. Enfin nous sommes ici au camp du drap d'or de l'Éducation nationale, tout respire la bonne volonté, le désir d'écoute et le dialogue laïque ; nos échanges se tiennent justement dans un des lycées de Cannes, bel hôtel d'autrefois dans le genre palace balnéaire transformé en établissement scolaire au début des années vingt. Les élèves tapotent sur leurs portables dans un jardin de Riviera où il ne manque que les fauteuils en osier, on s'attend à voir passer les tables roulantes du room service entre les salles de classe. La femme du proviseur me montre la vue sur la baie de Cannes depuis le balcon de son appartement et son mari me fait discrètement comprendre qu'ils ne regrettent pas du tout leur ancien poste dans le Pas-de-Calais. Chaque fois que je rencontre des enseignants aimables, je pense à l'enfant qui n'en fiche pas une rame et qui travaillerait peut-être mieux avec des gens comme eux et dans ce bel endroit si singulier. L'enfant qui passe son brevet aujourd'hui et qui me manque déjà. Mais qui pouvait bien descendre ici avant la première guerre ?


  • Nombre de pages264
  • Dimensions du Livre217 x 1700 x 137 cm
  • Poids324 g
  • ISBN-102221108817
  • ISBN-139782221108819