DESCRIPTION
L'histoire véridique et désopilante d'un chauve précoce.
Que peut-on perdre à la sortie de l'adolescence ? Son temps, ses illusions, son pucelage, ses copains, sa grand mère, son amour, ses lunettes, son portefeuille, tout à la fois si cela chante. Mais ses cheveux ! Je ne laisserai dire à personne que vingt ans est le plus bel âge pour les avoir vus folâtrer un soir d'hiver sur une moquette grenat de la rue Marx-Dormoy...
À vingt ans, Philippe Eliakim a vu tomber une à une les longues boucles blondes dont il était si fier... De cette traumatisante expérience et des années de déplumage qui s'en suivirent, il tire aujourd'hui un récit personnel, original et décalé. Avec finesse et humour, il ne nous cache rien de ses nombreuses et infructueuses tentatives de soins et de camouflage, de ses lectures médicales, de ses problèmes de séduction, de ses obsessionnelles recherches sur les chauves à travers les âges, de leur maniaque classification (des semi-tondus aux grands chauves)... Un livre à offrir à tous les hommes sans exception pour les faire rire sur un de leur plus gros sujet d'angoisse.
Il s'appelait Skipper-Magnus et il n'avait plus un poil sur le caillou. À la façon désolée dont il nous faisait répéter les idiomes shakespeariens, nous devinions qu'il souffrait de ce double boulet, un nom à dormir debout et une coiffure à coucher dehors, à moins que ce ne fût l'inverse.
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La moitié latiniste de notre classe l'avait surnommé Piper-Jactus, et l'autre, d'influence plutôt russophone, " Boulaz ", autrement dit Boule à zéro. N'ayant personnellement jamais eu d'attirance pour le latin, j'optai sans hésiter pour le camp des Boulaz, et j'usais de son cri de ralliement en toute occasion – " On a Boulaz cet après-midi ? " , " Vous avez vu la tête de Boulaz ? " – de façon à être entendu de lui. L'affaire, cependant, ne rendait pas autant que nous l'espérions. Skipper-Magnus, qui n'ignorait rien de ce méchant surnom, l'avalait avec un tact d'officier britannique et se retournait sans mot répondre vers le tableau noir. Il était digne. Pour autant, il ne volait pas nos moqueries, car après tout, il était chauve.
C'est à cette époque que j'ai commencé à perdre mes cheveux. Jusqu'alors, j'ose le dire, je possédais une crinière plus attrayante que la moyenne, fine, légère, séduisante, aérienne, soyeuse, à peine ondulée et moirée de reflets d'or, que je travaillais chaque semaine en secret avec un shampooing à la camomille. Les filles aiment les reflets d'or travaillés chaque semaine en secret avec un shampooing à la camomille. J'avais un autre atout planté sur la tête, que m'enviaient sans s'en cacher la plupart de mes camarades : pour je ne sais quelle raison anatomique, deux mèches en forme de tire-bouchon coulaient symétriquement le long de mes tempes, sans que je fisse rien pour les encourager.
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Que peut-on perdre à la sortie de l'adolescence ? Son temps, ses illusions, son pucelage, ses copains, sa grand mère, son amour, ses lunettes, son portefeuille, tout à la fois si cela chante. Mais ses cheveux ! Je ne laisserai dire à personne que vingt ans est le plus bel âge pour les voir folâtrer un soir d'hiver sur une moquette grenat de la rue Marx-Dormoy. À demi démoli par la nouvelle, je fis le tour de la pièce à quatre pattes en priant pour m'être trompé, car le pire n'est jamais sûr, et je recueillis sans forcer en quelques minutes une pleine poignée de ma propre crinière, éparpillée en fins lambeaux jusque sous les coins obscurs du lavabo. Mon oreiller en était constellé, ma veste picotée, et je découvris plusieurs éléments suspects qui livraient une bataille déséquilibrée contre des spaghettis au fond d'une casserole sale. Grands dieux ! Cela faisait sans doute des semaines qu'une guillotine lilliputienne me sabrait en secret le cuir chevelu, que des petits morceaux de moi se détachaient pour aller voleter, libres et joyeux, dans l'air du matin, sans même avoir eu la courtoisie de m'en prévenir. Ce n'était pas la gangrène, il ne faut pas exagérer : c'était pire, l'élimination systématique de mes organes de séduction, une lente castration par le haut conduite avec le savoir-faire d'un tortionnaire chinois, la faux sur la tête et la mort dans l'âme. Qu'allais-je devenir sans mes bouclettes de faux rabbin ? Je me précipitai vers le miroir pour constater les premiers ravages du défoliage organisé : rien. Rien encore. Mais sous peu leur absence me crèverait le yeux, cela ne faisait aucun doute, je pourrai me gaver de jambon en pleine synagogue sans offusquer personne et courir le cent mètres à plat ventre pour attirer les filles. Le ravalement par le vide avait commencé. J'étais foutu.
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Je n'étais point un lâche. Je n'avais point le cœur à louvoyer. Sans hésiter, je choisis l'affrontement direct pour terrasser ma chauvitude.
Dès lors, ma vie tout entière devint une affaire de cheveux. Je me plongeais dans les livres, dépeçais les théories, scrutais les avancées médicales, interrogeais les spécialistes. Je voulais tout connaître de mon nouvel ennemi, mesurer ses armes secrètes, décortiquer ses lignes de défense, mettre à nu ses chausse-trappes et ses talons d'Achille. J'appris que le follicule pilaire était un entortillement biscornu d'acides aminés de diverses carrures, qu'il se laissait irriguer par un organe rondouillard appelé glande sébacée, et qu'il n'était que partiellement vivant, l'hypocrite, son sous sol bouillonnant de cellules travailleuses et de réseaux sanguins, quand sa partie aérienne relevait simplement de la vieille corne. Je découvris que l'être humain normalement constitué en possédait entre cent mille et cent cinquante mille, ce qui fait déjà un joli buisson, mais que, pour des raisons génétiques encore mal explorées, les Afghans en abritaient vingt pour cent de plus sous leur turban. La nuit, je rêvais de galoper dans les steppes afghanes, ma folle crinière au vent.
Pendant la journée, l'obsession prenait un tour moins échevelé. Avec une méticulosité d'arpenteur, je recensais tous les chauves que je pouvais croiser et je consignais chaque soir le résultat de ce recensement démentiel en pattes de mouches sur un petit carnet, que j'escamotais dans un placard à chaussures. Il ne s'agissait pas de me faire prendre. Pour conférer à cette démarche de demi-fou une espèce de valeur scientifique, car je n'avais pas abandonné toute dignité, j'entrepris de classifier mes dégarnis en catégories zoologiques distinctes, selon l'ampleur de leur déconfiture. Je constituais ainsi trois colonnes dans mon calepin secret : les faux derches à peine ratiboisés mais, cela se devinait à leurs yeux égarés, déjà démolis par la cisaille et irrémédiablement promis à un avenir désertique ; les semi-tondus, à la piste d'atterrissage suffisante pour les insectes de maigre envergure, moustiques, moucherons, éventuellement les coccinelles ; les grands vidés, enfin, dont l'occiput brillant et libéré de toute aspérité pouvait accueillir sans risque, y compris de nuit, des escadrilles entières de phalènes à poil argenté et de coléoptères cargos.
Seuls ces derniers (les grands chauves) m'intéressaient vraiment. Ils étaient en quelque sorte le point ultime de la déchéance capillaire, le zéro absolu de la coiffure pour homme, et, par là même, un pur objet de spéculation philosophique. Comment de véritables êtres humains pouvaient-ils tenir debout sous une pareille absence ? C'était à ne pas croire. Il m'arrivait pourtant d'en croiser une bonne trentaine dans la matinée, tous plus âgés que moi et tous extrêmement laids, mais marchant droit cependant, et souriant à la vie nonobstant, ce qui me plongeait dans des affres d'incompréhension. Ces jours de grande affluence, j'étais malgré tout un peu moins désespéré qu'à l'ordinaire. Mon enfer promettait d'être effrayant. Mais il n'était pas dit que j'y grillerais seul.
- Nombre de pages208
- Dimensions du Livre178 x 112 x 18 cm
- Poids171 g
- ISBN-102221105605
- ISBN-139782221105603
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